Gothic 3
Gothic 3 est le troisième volet de la série Gothic qui s’est imposée comme une référence de CRPG et successeur spirituel d’Ultima. Contrairement aux deux premiers volets, cet épisode se vit doté d’une sortie mondiale en Octobre 2006 en multiples langues, loin des retards de deux premiers opus qui avaient parfois dû mettre des années pour sortir d’Allemagne. Malheureusement, loin de la réussite totale des deux premiers volets, ce Gothic 3 tient plus du pétard mouillé.
Il n’y a rien à reprocher sur un plan technique. Gothic 3 est un jeu de toute beauté et très certainement l’un des plus beaux CRPGs existant. L’univers est coloré, les graphismes détaillés et le monde merveilleusement désigné. Il en est de même sur le plan sonore, avec de fantastiques musiques orchestrales reprenant par ailleurs certains thèmes des précédents volets. Notons que le doublage français est également de très bonne facture, malgré quelques légères erreurs de traductions. La version anglaise est de bonne facture également, mais ne reprend aucune voix des deux premiers épisodes et propose un ton assez différent – ce qui peut surprendre, et décevoir. L’interface quand à elle se présente comme une version améliorée de celle de Gothic II, mais offre dorénavant un curseur de souris, rendant la maniabilité beaucoup plus intuitive.
Les premières impressions sont ainsi très bonnes : on se retrouve avec plaisir devant du Gothic, différent par certains côtés mais tout aussi plaisant. Malheureusement il est difficile de ne pas déchanter au fil du jeu.
Tout d’abord un certain nombre de changements discutables dans les système de jeu viennent quelque peu gâcher le plaisir de jeu. Le système de combat notamment est plutôt raté. Partant du principe de vouloir créer une version plus rapide du système de Gothic I & II, il parait intéressant en théorie : mais dans la pratique cela se résume essentiellement à cliquer le plus vite possible sur le bouton de la souris. Les différentes techniques sont globalement inutiles tout comme les parades, et au final on parvient a vaincre n’importe quel adversaire sans trop d’efforts. En plus de cela la force des monstres et des adversaires est très déséquilibrée ce qui fait que le rapport de force n’est pas très cohérent. On est hélas loin du combat précis et presque tactique de Gothic I & II. Par contre, le combat à distance est bien plus réussi cette fois ci, proposant un style différent pour les arcs et les arbalètes. Dans un autre ordre d’idée le crochetage a été grandement simplifié. Il n’y a maintenant plus à agir pour crocheter une serrure – juste à posséder une compétence selon le niveau de la serrure. De même l’interaction avec les objets s’effectue maintenant par le biais de menus et de fenêtres – un système dans l’absolu plus ergonomique, mais qui réduit quelque peu l’immersion.
Néanmoins ce n’est pas là que se situe le coeur du problème. Gothic 3 possède un monde de jeu gigantesque. Loin de la simple île de Khorinis, on se retrouve avec de nombreuses villes à visiter et trois contrées différentes à explorer : les vertes plaines de Myrtana, les contrées désertiques de Varant et les montagnes enneigées de Nordmar. Malheureusement Gothic 3 perd en profondeur ce qu’il gagne en taille. Ainsi bien que le monde soit gigantesque il est tout simplement remplis de PNJs dit “d’ambiance” sans aucun nom ni une seule ligne de dialogues. Certaines citées ne possèdent d’ailleurs qu’une poignée de vrais PNJs et se contentent principalement de ces PNJs génériques sans intérêt. Bien entendu les deux premiers Gothic en contenaient aussi, mais pas dans de telles proportions. Pour enfoncer le clou les emplois du temps ont également été grandement réduits par rapport aux précédents volets, et même en se promenant au coeur de la nuit il n’a pas rare de tomber sur des rues pleines de mondes ! De plus les réactions des personnages à vos actions sont bien moins complètes et détaillées. Tout ça contribue à grandement diminuer l’immersion et la vie de jeu, ce qui est des plus décevant car c’était un des aspects les plus réussis de la série Gothic. Au final aucune ville de Gothic 3 ne s’approche un tant soit peu de la profondeur de Khorinis dans le second épisode, le pire venant lorsqu’on finit par libérer une ville des Orc, puisque que cela implique de tuer presque tous les PNJs, et qu’on se retrouve ensuite avec une ville libérée peuplée uniquement de fillers. Un gros gâchis.
Mais ce qui achève Gothic 3 est tout simplement l’absence de trame scénaristique ! Là où dans les deux premiers épisodes le joueur était guidé par un scénario de qualité et une intrigue passionnante, Gothic 3 en voulant offrir une liberté totale se prive d’un scénario digne de ce nom. On se retrouve ainsi à faire des quêtes annexes durant la totalité du jeu, sans jamais avoir d’intrigue principale dans laquelle se plonger. C’est comme si on se retrouvait avec des bouts d’histoire éparpillés à travers le monde sans liens réels, ni vraie cohérence (et le tout est couronné par une continuité très discutable avec les deux premiers opus), et tout cela est d’autant plus navrant que l’idée de base était dotée d’un vrai potentiel. Pire encore – le jeu devient rapidement répétitif, chaque ville de Myrtana proposant le même schéma, le même type de quête et offrant très peu de variété – seul Varant et Nordmar changent un peu les choses, mais hélas cela reste bien trop minime comparé au reste du jeu. L’ironie c’est que malgré cette liberté gérée par un système de faction, on n’a jamais un réel sentiment d’appartenance (comme dans Gothic I & II où il fallait VRAIMENT choisir son camp) et on peut facilement jouer sur tous les tableaux durant tout le jeu et ainsi voir les trois fins sans trop se fatiguer (fins par ailleurs toutes aussi médiocres les unes que les autres). En plus du scénario, le gâchis se répercute également sur les PNJs – ils sont tous sous développés, et même les personnages majeurs n’ont souvent qu’une ou deux lignes de dialogues – le pire venant des compagnons et des personnages de retour de Gothic I&II, qui n’ont littéralement AUCUN rôle à jouer dans l’histoire et font juste office de figurants.
Au final difficile de ne pas être déçu par ce Gothic 3. Les développeurs de Piranha Bytes ont clairement vu trop grand et à vouloir offrir un jeu moins linéaire (alors que les deux premiers opus n’étaient pourtant pas à classer dans la catégorie des jeux dirigistes), ont littéralement sacrifié le scénario et le charme de la série sur l’autel de la liberté. Là où Gothic I&II se positionnaient comme les successeurs indéniables d’Ultima, on se retrouve cette fois ci devant un titre qui s’approche plus d’un ersatz d’Elder Scrolls (sans malheureusement arriver à la cheville d’un Oblivion qui paradoxalement est bien plus vivant et se rapproche plus de l’esprit d’un Ultima) qui accumule les erreurs de designs et les fausses bonnes idées qui gâchent totalement une expérience pourtant doté d’un grand potentiel. Sans être un mauvais jeu, Gothic 3 est une vraie déception et là où ses prédécesseurs s’imposaient comme des références, il se présente plutôt comme un CRPG correct, mais définitivement oubliable.